Nous vous l’annoncions il y a quelques jours. Une nouvelle application iPhone et Android pour consulter ses résultats, ses statistiques et celles de son club a fait son apparition dans le monde pongiste. L’application se nomme simplement “Pongiste“. Cette nouvelle initiative n’est en réalité pas la première en France. Nous sommes allés à la rencontre du concepteur de la première application du genre, pongiste en régionale au club de la Vaillante Angers.
“Une époque où SmartPing n’existait pas”
Il avait lancé il y a quelques années une application nommée “Tennis de Table” qui reprenait déjà le principe de “Pongiste”. Elle proposait même en complément des fonctionnalités allant de l’actualité aux vidéos en passant par un calculateur de points. Malheureusement, le développement de l’application a du être stoppé par son créateur en raison de l’arrivée de l’application SmartPing de la FFTT. Entretien :
Bonjour. Merci de nous accorder ce moment. Tu as été le premier développeur à proposer une application spécialisée pour les pongistes français. Peux-tu nous raconter cette belle aventure ?
Bonjour. Oula, Cela remonte à loin tout cela (il sourit), ca ne me rajeunit pas.. C’était en 2011 et je souhaitais mettre à disposition de tous les licenciés un outil pour consulter ses résultats et ses statistiques. C’était une époque où SmartPing n’existait pas encore. D’ailleurs aucune application spécialisée tennis de table n’existait encore. L’application s’appelait “Tennis de Table” et était proposée sur Android et iPhone au prix de 2,99€.
Pourquoi une application payant alors qu’aujourd’hui, on en retrouve des identiques voir meilleures gratuites ?
Je vais être très clair. Je n’avais pas développé cette application pour gagner de l’argent mais par contre je ne l’avais pas conçu pour en perdre. Entre les coûts de développement et l’investissement pour la maquette graphique, cela m’avait coûté 600€. Je souhaitais avant tout amortir ce coût et le surplus ca n’aurait été que du bonus. Cela m’aurait par exemple permis de réinvestir dans le développement et proposer de nouvelles fonctionnalités aux utilisateurs. Mais je le répète car j’y tiens, en aucun cas, j’avais réalisé cette application pour gagner de l’argent. Je gagne suffisamment bien ma vie à côté.
En quoi consistait l’application ?
“Tennis de Table” permettait de consulter ses résultats, ses points mensuels, consulter la liste des clubs, calculer ses points et bien plus. Il y avait aussi la possibilité de consulter de l’actualité et des vidéos grâce à un partenariat que j’avais réalisé avec deux sites références de l’époque alias tennis-de-table.com et tennis2table.com. L’application a connu un succès immédiat et comblait un réel manque dans le paysage pongiste numérique français. Elle avait été lancée une semaine avant la Coupe du Monde qui s’était déroulée cette année là au complexe de la Halle Carpentier, à Paris.
Les premiers problèmes arrivent..
Peux-tu nous expliquer le procéder technique pour arriver à proposer un tel service ?
Sans rentrer dans les détails qui pourraient embrouiller les esprits, mon application était très simple. Elle n’absorbait aucune donnée et permettait simplement d’améliorer l’expérience utilisateur pour consulter les informations disponibles publiquement sur le site fédéral. En fait, c’est comme si vous utilisiez le site de la fédération mais dans une application et le tout adapté au format mobile. Tout était en direct depuis le site de la fédération. Il faut savoir que le site de la fédération n’était pas consultable facilement depuis un mobile, et d’ailleurs, la fédération n’a fait strictement aucun effort dans ce sens depuis ces 3 dernières années.
On y reviendra un peu plus tard mais n’as-tu pas eu de problèmes ou d’appels de la part de membre de la fédération ?
Cela s’est passé en plusieurs étapes. Au bout d’une semaine, des utilisateurs m’ont fait remonter des bogues dans l’application. J’ai alors pensé que c’était un souci de développement et j’ai immédiatement apporté une mise à jour à l’application. Mais quelques jours plus tard, les problèmes sont revenus et c’est à ce moment là que j’ai compris que le service technique de la Fédération supervisé par Eric Caugant avait apporté des modifications au site FFTT.com dans le seul et unique but d’empêcher le bon fonctionnement de l’application.
Et à peu près en même temps, j’ai été contacté par Miguel Vicens, l’élu en charge de la branche informatique/communication au sein de la fédération, et Nicolas Barbeau, le responsable du développement. Vu que la Coupe du Monde se déroulait quelques jours plus tard et que le complexe de la Halle Carpentier se trouvait à 5 minutes des locaux de la Fédération, on a décidé de se rencontrer la-bas pour évoquer le cas de mon application.
La proposition de la fédération..
Et comment s’est passé ce rendez-vous ?
Je suis reçu alors dans les bureaux de la FFTT par Miguel Vicens et Nicolas Barbeau (responsable du développement) qui je crois d’ailleurs ne fais plus partie de la fédération aujourd’hui. (Confirmé). Concrètement, ils m’indique qu’il faut que je stoppe mon application sous peine d’être poursuivi en justice. Les deux protagonistes m’indiquent aussi que la FFTT devrait prochainement sortir une application du même type. Ils en étaient en fait encore au stade de la réflexion et des ébauches, et n’avaient pas encore pris leur décision quant au choix du prestataire à qui confier la réalisation de leur application. Mon sentiment est qu’ils n’arrivaient pas à faire aboutir leur projet, et que voir un petit pongiste, tout seul dans son coin, sortir une appli sans prévenir personne, cela les a un peu vexé.
Je venais à ce rendez-vous en bon terme et la plus grande ouverture d’esprit possible. Ils exigeaient que j’arrête dans mon application toute la partie liée à leur site (où plus rien ne fonctionnait de toute façon suite à leurs blocages) et surtout que je fasse un mea culpa public, et m’ont promis en “dédommagement” que par la suite je pourrai candidater à la réalisation de l’appli officielle. Il était convenu que le cahier des charges me soit transmis sous peu, afin que je puisse établir un devis et proposer officiellement ma candidature, cette fois en tant que professionnel. Nous nous sommes quittés en relativement bons termes.
Donc du coup, tu as bloqué les fonctionnalités dans ton application ?
Oui en effet et je l’ai même stipulé dans l’application. C’était aussi le deal fixé avec la fédération.
Et que s’est-il passé ensuite ?
Les mois passent et aucune réponse de la part de la FFTT. Et un jour j’apprends totalement par hasard que l’application serait développée en interne et donc par conséquent que je ne participerait pas à son développement. J’ai été très déçu du manque de parole de la fédération, même si en réalité cela ne m’a pas beaucoup surpris, et je me suis aussi dit qu’ils avaient fait le mauvais choix en décidant de réaliser l’appli en interne, car la qualité risquait de ne pas être au rendez-vous. Et l’avenir m’a donné raison, enfin c’est mon opinion.
“Le service informatique de la fédération n’a pas la capacité d’innovation des développeurs indépendants”
Surtout qu’entre temps, tu as reçu des notes négatives sur l’Apple Store et Android Market (ancien Play Store) où tu as du affronter la grogne des utilisateurs qui se sont sentis floués d’acheter une application finalement vide ?
Exactement. Je tiens à préciser que personne n’a été lésé quoique à la rigueur un peu moi quand même mais les utilisateurs, aucun. Tous ceux qui ont demandé un remboursement l’ont obtenu que ca soit sur la plateforme de Apple ou Google. Évidemment c’était une position très inconfortable de devoir subir l’énervement (justifié) des gens, alors qu’en réalité la fédé était la seule à blâmer. Pour ma part je n’ai pas gagné un centime avec cette appli, au final je suis tout juste rentré dans mes frais.
Que penses-tu de l’application “Pongiste” parue récemment ?
C’est une excellente application et elle est très bien réalisée. J’ai quand même bien peur qu’elle subisse le même sort que la mienne même si je pense que ca serait une nouvelle fois une erreur de la part de la Fédération de bloquer des initiatives bénévoles. Elle n’a rien a gagner en agissant de la sorte. Il est évident que le service informatique de la fédération n’a pas la capacité d’innovation des développeurs indépendants.
Ils donnent de leur temps libre, de leurs compétences et ca serait stupide que la FFTT n’en profite pas. Pourquoi ne pas envisager des partenariats ? Quand je vois SmartPing et mon application, j’ai toujours un pincement au coeur. Il y a tout de même de fortes ressemblances, non ? (voir capture précédente)
Les données disponibles sur le site fédéral sont finalement en accès publique. Pourquoi on ne pourrait pas les utiliser librement. Que ca soit sur la forme actuelle ou sous forme d’API proposée par la fédération ?
Le système en lui même est déjà à mon sens biaisé. La FFTT nous facture en complément un service premium qui en réalité n’en n’est pas un. Je part du principe que je paie une licence et le service devrait être intégré dedans. Le jour où la fédération apportera un service premium avec une vraie valeur ajoutée alors là oui, je voudrais bien payer mais actuellement c’est de la confiscation de données. Cette stratégie n’apporte rien.
C’est exactement la même chose pour l’API, pourquoi on aurait à payer un accès à cela. Une fédération n’est pas un organisme à but lucratif, la FFTT ne devrait pas chercher à gagner de l’argent mais devrait au contraire se concentrer sur la manière de fournir aux licenciés les services qu’ils attendent. Ce n’est pas la même chose. Les données disponibles sur le site fédéral sont celles que nous saisissons toutes les semaines, nous les joueurs et les clubs. Pourquoi n’aurait-ont pas le droit de les exploiter ?
L’argument de la confidentialité des données ne tient pas, vu la quantité d’informations déjà accessibles de manière publique sur leur site, et l’argument des difficultés techniques ne tient pas non plus : concevoir une API n’est pas bien compliqué, et héberger cette API sur un serveur dédié (pour ne pas fatiguer les serveurs actuels de la fédé) ne coûterait aujourd’hui que quelques dizaines d’euros par mois. Je pense que la FFTT en a les moyens …
“Il y a un problème de mentalité chez les cadres dirigeants de la FFTT”
Mais le tennis de table n’est pas le seul exemple a être dans cette position ?
Evidemment, mais je peux t’assurer que cela se passe très bien dans d’autres fédérations. Exemple avec celle du Badminton qui fourni une API gratuite à ceux qui souhaitent développer des applications tierces en exploitant les données fédérales. Cela fonctionne très bien et c’est bénéfique pour le sport. C’est ce qu’on appelle une bonne maitrise de l’Open Data mais il y a un problème de mentalité chez les cadres directeurs de la FFTT. Cela explique le retard numérique qu’a pris notre sport.
Quels sont tes projets aujourd’hui. L’envie de relancer ton application ne te picote pas?
Comme je te l’expliquais en début d’interview, je gère une SSII et de temps à autre j’aime aussi développer de nouveaux concepts. Refaire une application comme “Tennis de Table“, sincèrement j’y ai pensé mais il en existe aujourd’hui des belles et je ne me vois pas re-développer tout cela. Ca prend un temps monstre. En revanche, j’ai tout de même continuer à innover dans le milieu du sport en publiant une nouvelle application appelée “Club2sport“. Elle permet de trouver en un clic, un club de sport autour de soi. Il y a déjà 22 sports intégrés dans l’application dont le tennis de table. Elle est aujourd’hui disponible sur iPhone et iPad au prix de 1,99€ et des versions Android et Windows Phone sont prévues prochainement.
Merci et à bientôt
Merci.