Nous poursuivons l’entretien avec Stéphane LEBRUN, champion de Tennis de Table et papa de jeunes champions en devenir. Comment perçoit-il la carrière de ses garçons pongistes Félix et Alexis qui vont d’ailleurs participer dans quelques jours aux championnats de France ? Où place-t-il le curseur entre son rôle de père, entraineur au club et passionné de Tennis de Table ? Découvrez la deuxième partie de l’entretien.
Stéphane LEBRUN : “Ce sont encore des gamins mais ils avancent vite”
Tes petits font partie de la prochaine génération d’ambassadeurs du Tennis de Table Français. Quand on les voit évoluer et qu’on les connait un peu plus de près, c’est l’état d’esprit de guerrier qui ressort avec la gentillesse et le savoir vivre.
J’aime bien le mot gentil. Pour moi, je n’ai pas toujours été gentil. En tout cas, c’est notre rôle de parent, si ça rejaillit, J’ai ces retours là et c’est plus important que n’importe quel titre. C’est une évidence ! Le reste, je ne maîtrise pas. J’ai pu à un moment donné les aider, les guider, même si on ne maîtrise évidemment pas tout. On fait le maximum (avec ma femme), sur ce type de partage, on a une grande famille et au club, c’est la même chose, je revendique ça. J’espère quand on passe sur Montpellier, on ressent ça à la fin. Ce partage. J’espère qu’ils vont le garder. Ils sont adultes derrière et feront leur vie. C’est une fierté en tout cas. C’est une évidence.

Tu parles d’eux comme des adultes mais ce sont pourtant encore des gamins ?
Ce sont encore des gamins mais ils avancent vite dans l’âge adulte. Surtout quand on est sportif de haut niveau. On avance encore plus vite là-dessus. C’est-à-dire pour prendre un peu d’autonomie. Félix, c’est encore un gamin, c’est sûr. Alexis, il a 17 ans et commence à avoir sa copine, son truc, On va dire qu’il rentre dans l’âge adulte. Même s’il y a encore une éducation à faire, bien-sûr.
Tu as vécu un moment à part avec les playoffs. C’est la performance collective ou de voir tes petits évoluer à un très haut niveau ?
Le collectif ! J’en ai encore la chair de poule. Ils ont fait un truc incroyable et de les voir pleurer, bien-sûr que j’étais triste. Voir Mitch et Nicolas, ils ont un certain âge et Mitch, il en a vécu des choses… De les voir effondrés à la fin en pleurs. J’ai vu une photo de Félix en pleurs, c’est normal et c’est logique par rapport à ce qu’on essaie d’inculquer. Par contre, d’avoir réussi à faire ça, j’appelle ça de la transmission.
Stéphane LEBRUN : “Je pense que la défaite, c’est vraiment formateur”

Qu’est-ce qui t’a bouleversé pendant cette compétition ? La force collective ? Un match en particulier de tes fils ?
C’est le week-end d’une manière générale et c’est même l’ensemble de la préparation. Alexis avait affiché J-70 à la salle. Et maintenant J-364. Ce sont des jeunes qui ont été tirés par des vieux. Ils ont un vrai plaisir à vivre ensemble. Ces émotions-là, c’était vraiment chouette. Nous étions tous effondrés. Cette émotion est dure mais c’est pour ça qu’on l’aime ! Qu’elle soit positive ou négative
Est-ce le bon moment pour Félix et Alexis de connaître la douleur d’une grande désillusion ? Sont-ils assez costauds pour absorber cela ?
Oui, oui, c’est très formateur. Et puis ils vont rebondir. Ils partent en Tchéquie (Médaille d’argent en U15 et Or en U17 pour Félix, médaille d’or en U19 pour Alexis). Après le match, on a mangé ensemble au McDo. etc. On a discuté, on s’est envoyé des petits mots. Ils sont partis sur autre chose, et c’est bien. Mais je pense que ça va être formateur pour les jeunes et même les 4 qui ont joué. Ça va être formateur parce qu’après des déceptions comme ça, on rebondit toujours. Ils n’ont qu’une envie, c’est de revenir. Voilà, donc, c’est plus simple après ça. Et puis après, chacun va partir vers d’autres objectifs Mais je pense que la défaite, c’est vraiment formateur. On a fait des matchs où des petits détails ont basculé pour les adversaires. On a fait aussi quelques petites erreur. Et eux aussi le savent..
Stéphane LEBRUN : “Il est évident qu’ils vont partir”
Est-ce que le papa a un droit de regard ou un droit de décision sur l’avenir des petits ?
Là, oui, on est ensemble et on prend la décision ensemble avec Nathanaël (Molin). Mais là, c’est vrai que j’ai encore un regard et j’espère que l’année prochaine, je n’en aurai plus. Évidemment, j’ai mon avis, mais ce n’est pas à moi de tout faire. Ils rentrent dans le monde pro. C’est pas moi, papa d’aller discuter pour savoir à quel endroit ils vont jouer, tel truc etc… Je pense que c’est pour ça qu’il faut que je m’éloigne.. Après, Nathanaël (Molin) arrive et pour le moment on le fait à deux. L’année prochaine sera différente, il y aura Nathanaël (Molin) et Jérémy (Surault) qui seront vraiment encore plus centrés sur eux. Écoute, ça fait partie du rôle de l’entraîneur de faire les bons choix.

Et pour toi, ça serait quoi le bon choix ? Où est-ce qu’il se trouve entre le sportif et le bonheur de tes enfants ?
On est en train de réfléchir, Je ne vais pas te donner la réponse tout de suite car ce n’est pas calé. Ma décision, évidemment, je suis pour le club de Montpellier. Bien-sûr que si on était monté, c’était un plus. C’est certain qu’ils iront aujourd’hui plus vite que le club de Montpellier. Il va falloir trouver des solutions. Avec cette année COVID, c’est compliqué car les clubs ont fait un peu leur recrutement. Ce n’est pas simple Même si on est plutôt solide au niveau de la structure Montpellier/Nîmes, on ne va jamais assez vite pour les joueurs. Ça ne veut pas dire qu’ils ne s’entraineront pas à Montpellier. C’est une certitude, ils resteront sur Montpellier. Mais il est évident qu’ils vont partir. On ne fait pas carrière avec son club.
Ça ressemble à quoi les émotions quand on est Papa de joueur de PING, joueur de PING, entraîneur de PING ?
Ça ressemble à quoi ? (Il hésite) Parfois, pas trop de distance. Moi, je vis. J’étais déjà comme ça comme coach quand j’étais avec Chris (Christophe LEGOUT). Je suis du Sud, Je suis sanguin de temps en temps et je ne me cache pas. Moi, j’adore pleurer, rire. Voilà ! Je vis les émotions complètement. Après, on dit de temps en temps que je suis un peu distant quand on ne me connaît pas. Mais en fait, dans les salles de Ping, etc. Je suis chez moi, c’est ma passion, donc j’adore ça. Voilà, c’est tout. Je peux en parler pendant des heures et des heures.
Intérieurement, qu’est ce qui se passe ? Es-tu dans le lâcher prise ?
On va dire que je suis dans le lâcher prise selon les endroits. Mais ce week-end, j’étais supporter. J’étais dans le lâcher prise. Après, ça dépend. Si je suis coach, je suis sur le banc. J’ai déjà coaché mes enfants et forcément, je ne peux pas être dans le lâcher total. Je fais en tout cas le Max pour ne pas l’être. Aux play-off, j’étais juste supporter avec nos 15 supporters qui sont venus avec nous. Oui, j’ai râlé sur les balles de “culs”. Il y a VOSTES (Yannick) qui passe des tranches directement alors que la balle peut partir à 3 mètres. C’est le point important. J’ai râlé, comme n’importe quel supporter qui n’est pas très objectif quand il regarde son équipe.
Stéphane LEBRUN : “C’est vrai que ce sont tous des fous de PING et c’est dans leur cœur”

C’est tout de même assez rare de voir à ce niveau tout une équipe s’effondrer ?
Je suis très content. Très content de ça. Je le vois tous les jours à l’entraînement. On a réussi à créer quelque chose et c’est grâce aux entraîneurs. On arrive à mutualiser les choses. Il y a des gens qui passent. On arrive à créer ça. C’est vrai que ce sont tous des fous de PING et c’est dans leur cœur. Et ça, ça me fait plaisir. L’histoire tient à des détails infimes. Si VOSTES (Yannick) ne rentre pas, sa tranche à 2-1 (5/2), où je l’ai traité de tout, je pense que le match est plié. Et derrière, on peut en tout cas essayer d’aller plus loin. De temps en temps, c’est comme cela, un bon résultat se joue à pas grand chose.
Quelle serait la plus belle chose pour toi ? Une grande famille avec tes enfants et petits enfants, belle maison et bonne situation ou que Félix ou Alexis décroche un titre Olympique ou de champion du monde ?
Ah qu’il ne soit pas champion Olympique non.. Une belle situation, ce n’est pas forcément ça mais par contre, moi, j’ai une grande famille et c’est le bonheur tout le temps. Après, je n’ai jamais été champion olympique, donc, je ne sais pas si c’est un bonheur. Je ne connais pas l’émotion que ça procure. Mais voilà, moi en tout cas, je suis papa, j’ai une grande famille. On a toujours du monde à la maison, des trucs, etc. C’est le bonheur tous les jours. Donc, c’est quand même, à mon sens, beaucoup plus important. Parce que la vie sportive, ça ne dure qu’un temps. Après, on vit les émotions comme on n’en vit pas ailleurs. Ce qui s’est passé ce week-end, c’est spécial. Normalement, tu ne pleures pas quand tu fais du PING-PONG..
Merci Stéphane
Merci Dragan
Merci pour cette belle interview qui fait, pour ma part, beaucoup de bien. De vrai valeurs, des beaux projets en espérant que ces champions réussissent à nous faire encore vibrer. Le projet club est tout aussi intéressant et, pour avoir été aux play-offs de N1 en tant que spectateur, Montpellier, malgré le protocole sanitaire, avait ses supporters. Comme quoi le Ping de haut niveau peut aussi concilier partage, valeurs et projets à long terme.