Les joueurs sont souvent dans la lumière et pourtant pour atteindre la performance et l’excellence, des hommes et des femmes de l’ombre travaillent au quotidien. C’est le cas des entraineurs, préparateurs sportifs, staff médical et bien plus.. Mais qu’en est-il de l’entourage familial et notamment des parents ? Comment réagissent-ils face à la carrière de leur enfant ? Quelle approche quand le père a été joueur de très haut niveau, champion de France, entraineur et de plus est, membre d’une famille reconnue dans le milieu du Tennis de Table.
Stéphane LEBRUN : “C’est de plus en plus simple pour moi de prendre du recul”
Nous nous sommes entretenu avec Stéphane LEBRUN qui est notamment le papa des jeunes Félix et Alexis. Deux champions du haut de leur 14 et 16 ans, frappent déjà à la porte du monde professionnel. Découvrez la première partie notre entretien avec Stéphane LEBRUN, champion de Tennis de Table et papa de jeunes champions en devenir
Comment vis-tu l’engouement autour de tes fils Félix et Alexis ? Est-ce que tu arrives à rester tout le temps dans le temps dans la peau du Papa ?
Pas toujours mais j’essaie. J’ai fait en sorte qu’ils aient des entraîneurs et on continue avec ce lien là. Donc, j’ai eu la chance d’avoir des gens compétents avec eux. Donc, ça me permet de prendre un peu de distance et après faut pas rêver (rire). On fait le maximum pour prendre ses distances et rester papa. J’ai été joueur, je suis entraîneur, je m’occupe du groupe de Montpellier. Donc il y a forcément, de temps en temps où je dépasse mon rôle de papa et je redeviens un entraîneur et conseiller. Mais j’espère faire le moins possible et de moins en moins si possible.
Arrives-tu à te retenir justement ? C’est peut-être le plus difficile en compétition ?
En compétition, je pense que oui. À l’entraînement, pas toujours. Parce que de temps en temps, même si ce n’est pas moi leur entraîneur principal, j’ai le groupe. Je suis à la table devant et si j’ai quelque chose à dire, je le dis. Après, en compétition d’une manière générale, après on peut en parler, mais ça reste assez libre avec leurs entraîneurs et ils gèrent leur truc ensemble comme ça.
Et comment elle se passe cette relation du Papa avec l’entraîneur ? Est-ce qu’il en prend plein la figure parfois ?
Non. Franchement, j’ai totalement confiance. J’ai eu la chance d’avoir un bon manager. Olivier (Ouazana ) qui est parti. Ça sera Nathanaël (Molin) l’année prochaine pour Félix et Jérémy (Surault) pour Alexis. Je n’ai pas de soucis sur ça et on discutera évidemment des demandes à l’entraînement aussi de temps en temps. Mais en mode compétition. Réussir à faire la part des choses, ce n’est pas forcément tout le temps facile.
Stéphane LEBRUN : “Maintenant, mes conseils sont peut-être même plus adaptés”
Penses-tu que ca va devenir de plus en plus difficile car tes petits progressent très vite et sont à ce jour aux portes d’un statut de pongiste professionnel ?
En fait, je pense que ça sera encore plus simple quand ils seront plus grands. Je le vois bien. C’est de plus en plus simple pour moi de prendre du recul. Parce qu’ils vont gérer leur carrière, faire leur truc avec leurs entraîneurs respectifs. La période la plus difficile pour la relation entre joueur et papa est quand ils sont très jeunes à 10, 12, 13 ans au début. Et quoi qu’on dise, c’est émotionnellement très compliqué. Après, petit à petit, ça devient plus facile, c’est une certitude . Ils vont faire leur propre parcours.
Et ça renforce les liens, papa-enfant ou l’inverse ?
En tout cas, on vit des choses ensemble. Mais par contre, c’est sûr qu’à partir du moment, on a un peu la même passion, forcément ça dérive sur des discussions, sur des choses comme ça . Encore une fois, ils vont faire leur parcours, c’est bien après qu’ils aient des gens autour d’eux. C’est pour ça que Nathanaël vient pour avoir un repère et quelqu’un qui va leur permettre de franchir les dernières marches qui sont les plus dures.
Et est-ce que les petits sont demandeurs, eux, plus du Stéphane papa ou du Stéphane entraineur/joueur ?
Tous les jours, c’est le papa qui prend mais quand il s’agit de PING-PONG, on parle aussi de PING-PONG. Mais bon, ils demandent franchement de moins en moins souvent. Bon, on discute de PING-PONG, vraiment beaucoup mais c’est de moins en moins de conseils maintenant car je pense que j’en ai donné pas mal ! Et peut-être maintenant, mes conseils sont peut-être même plus adaptés.
Il arrive parfois que des papas souhaitent vivre (re-vivre) leur passion pour ne pas dire leur rêve à travers les yeux de leur enfant. Tu as été un joueur de très haut niveau avec une carrière accomplie. Est-ce que quelque part, tu n’as pas envie de revivre ces émotions à travers les yeux des tes petits où tu arrives à totalement à te détacher et rester dans ton rôle de papa ?
Totalement. Ça serait faux. Et puis, je pense que de toute façon, j’ai toujours pensé, j’ai joué au PING-PONG, leur tonton, il a été un vrai champion. C’est un fait pour eux. Je leur ai toujours dit que quoiqu’il arrive, ça sera comme ça. On leur dira à chaque fois, et même au tout début, ce n’était pas facile pour eux parce qu’autour, on leur disait, c’est facile de jouer pour toi au ping-pong puisque le papa joue bien et le tonton aussi
Mais ensuite, j’ai toujours partagé aux parents les mêmes options. Vous n’allez pas vous mettre de côté tout le temps, allez-y. Il va apprendre à vivre avec. Quand on est parent, quand on voit tes gamins, on fait des grimaces, on est pas aussi tranquille que quand il est gamin, Écoute, il faut vivre avec et faire ça. Et je pense que c’est le bon message à passer. En fait, je vois souvent les parents me dire, il faut que je sorte de la salle etc. Mais moi, j’ai aussi envie de vivre ces émotions. Je ne pense pas que je vais les revivre grâce à eux, je vis d’autres émotions tout simplement et tant mieux. Ce week-end aux play-off de Nationale 1. Je me suis éclaté avec eux, mais je me suis éclaté aussi avec l’équipe. Évidemment, on vit aussi des émotions, moi, les miennes. Elles sont bien loin, ça fait bien longtemps et je n’attends pas ça.
Stéphane LEBRUN : “Je n’ai aucune frustration en tant que joueur
Pourtant, le transfert papa/enfant peut arriver à tout moment ?
Je pense que ce transfert là, je ne sais pas, c’est peut être de la psychologie. Je pense que ce transfert, je ne le fais pas parce qu’en faites moi, je l’ai vécu, ma carrière et j’ai le sentiment d’être allé au bout ; Alors évidemment, on ne va jamais au bout complètement mais j’ai le sentiment d’avoir réussi quelque chose. Mais je n’essaie pas de revivre à travers eux parce que je n’ai pas de regrets sur ma carrière. Je vois que c’est plus le cas sur certains papas ou mamans qui ont été proches d’arriver à un niveau PRO et ont ce regret à un moment donné.
Je n’ai aucune frustration en tant que joueur. J’ai arrêté quand j’ai voulu donc peut-être parce que j’ai vécu quelques trucs. C’est sympa en termes de gloire, mais je n’ai aucun regret. J’aurais pu être meilleur mais j’en sais rien. Et je pense que ça, c’est un peu la psychologie de bas étage. On va dire que ça peut jouer quand même. Je n’ai pas d’ambition que mes enfants soient en équipe de France, je l’ai été. Après voilà, c’est du PING-PONG. Faites votre vie et avancez. Je pense que ce lien là, j’ai réussi.