La démission du directeur technique national a plongé le tennis de table dans une crise sans précédent. Si l’affaire a été dévoilée publiquement il y a seulement 24 heures, le “BerrestGATE” est en réalité connu depuis des mois dans les sphères pongistes, judiciaires et journalistiques. Nous nous sommes d’ailleurs intéressée à cette histoire il y a plusieurs mois. Nous avons toutefois souhaiter prendre notre temps pour regrouper, investiguer, classer, étayer et vérifier les informations pour dévoiler notre enquête. Retour sur le “BerrestGATE“, l’affaire qui ébranle le Tennis de Table Français.

Janvier 2016 : L’alerte est lancée
Il faut remonter dans le temps (Janvier 2016) et aux origines de l’affaire pour en comprendre sa dramaturgie. Si l’ex-DTN fréquentait régulièrement les salles de PING, il était également un habitué de la piscine Montbauron située à Versailles. C’est au sein de ce centre nautique que les faits se sont déroulés. En janvier 2016, une fillette de 9 ans aperçoit le bout d’un téléphone portable doré qui dépasse sous la cloison du vestiaire voisin. Accompagnée de sa maman, elle signale immédiatement l’incident.
Janvier 2016 à Février 2017 : À la recherche du suspect
Non loin d’être un cas isolé, de nombreuses plaintes de clientes de la piscine ont afflué sur le bureau du directeur de la piscine qui a vu jours après jour se dessiner la thèse d’un voyeur récidiviste. Le malotru filmait discrètement ses victimes quand elles enfilaient ou enlevaient leur maillot de bain comme le révèle le quotidien local “Le courrier des Yvelines“.
La direction de piscine et la police judiciaire alertées, il fallait désormais retrouver le voyeur. Mais comment le retrouver sans éveiller son attention ? Comment le retrouver parmi les centaines de milliers d’usagers qui fréquentent chaque année le centre nautique de Montbauron ? Le directeur de la piscine nous a confié :
“Cela a été très difficile de retrouver le voyeur. Pour vous donner un ordre d’idée, la piscine de Montbauron accueille près de 400000 visites par an. Dans ce genre de cas c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. Cela peut être tout le monde ! Des gamins qui se provoquent et s’amusent à se filmer sans comprendre la dangerosité des faits aux encadrants, aux parents, aux passants, cela pouvait être tout le monde et on n’avait aucune idée profil exact de l’individu.”

Malgré les précautions de sécurité renforcées, les moyens techniques et humains mise en place à la piscine, l’ex-DTN a tout de même réussi à passer entre les mailles du filet. En effet, il avait organisé un véritable stratagème en renouvelant systématiquement son badge d’accès. Une méthode insolite et pourtant efficace qui a permis de brouiller les pistes pendant de longs mois. Comme nous l’a révélé le directeur de la piscine, il avait également pris habitude de donner une mauvaise adresse sur ses fiches d’inscription. Erreur ou calcul anticipé, son nom et prénom étaient en revanche corrects. Au rayon des habitudes, l’ex-DTN était capable de rester plusieurs heures à la piscine sans pour autant attirer les soupçons. Une indiscrétion relayée par le courrier des Yvelines. Le directeur de la piscine que nous avons interrogé a été encore plus précis :
Ce monsieur venait très régulièrement à la piscine et parfois deux fois dans la journée. Le jour ou il restait le plus longtemps était le mercredi. Je me souviens d’avoir comptabilisé sur une semaine jusqu’a 10 passages. Et chacun d’entre eux pouvait durer jusqu’à 3 heures.
Arrestation le 2 février 2017
La traque a finalement pris fin le 2 février dernier soit plus de 13 mois après les premiers signalements. Pascal BERREST a été confondu grâce au système de video-surveillance couplé au système de badge et des plaintes des clientes. En croisant toutes les données, les enquêteurs et le directeur de la piscine ont remarqué que le voyeur était toujours présent au même moment que les victimes. Une surveillance discrète a été mis en place par les autorités et le suspect a été arrêté quelques semaines plus tard.

L’ex DTN avoue les faits
Nous avons contacté à plusieurs reprises Pascal BERREST, en vain. Si ses déclarations publiques se faisaient rare depuis de nombreux mois, le Parisien et le Courrier des Yvelines ont recueilli quelques réactions :
Propos relayés par Le Parisien :
- Je filmais depuis le mois de janvier, à raison de trois ou quatre fois par semaine parce que je n’avais plus aucune vie sexuelle. (Pascal BERREST)
Le Courrier des Yvelines présent au procès :
- Je présente mes excuses. Je sais que j’ai heurté les victimes. C’est un comportement irrationnel. (Pascal BERREST)

24 février 2017, Pascal BERREST déféré au parquet
La perquisition à son domicile a permis aux policiers de mettre la main sur plus de 300 vidéos de femmes en train de se dénuder. Le “Courrier des Yvelines” révèle également que les films n’auraient pas été diffusés sur des sites internets ou sur les réseaux sociaux.
Si l’article du courrier des Yvelines (voir en fin de page) révèle que l’âge des victimes oscillait entre 20 et 50 ans, nous pouvons vous confirmer qu’il y a eu également des signalements avec des mineurs. Le directeur de la piscine nous a confié :
Je peux vous garantir qu’il y a des plaintes de personnes majeures mais aussi des signalements de mineurs accompagnées de leurs parents ou d’élèves d’établissements secondaires. Des usagers sont encore aujourd’hui choqués par ce qui est arrivé.
L’ex-DTN a été déféré au parquet de Versailles un peu plus de trois semaines plus tard (24 février) comme l’a révélé le Parisien.

8 juin : Le jugement et la condamnation
Pascal BERREST a été jugé le 8 juin dernier au tribunal de grande instance de Versailles. La procureure a réclamé 8 mois de prison avec sursis avec obligation de soins pour des faits qualifiés en “atteinte à l’intimité de la vie privée par enregistrement d’une personne”. Les juges ont retenu 6 mois d’emprisonnement avec sursis tout en conservant l’obligation de soins (source : le Courrier des Yvelines).
Une condamnation qui parait plutôt clémente compte-tenu du délit. Une peine d’autant plus surprenante puisque les juges ont estimé qu’elle ne serait pas inscrite au casier judiciaire du condamné, invoquant la raison de l’emploi.
En effet, une peine inscrite au casier judiciaire bulletin numéro 2 interdirait de facto la possibilité de travailler au sein du service publique. Rappelons qu’au-delà d’être professeur d’EPS et professeur de sport, Pascal BERREST a été aussi ancien entraîneur (1995-2000) du quatre sans barreur vice-champion olympique aux Jeux d’Atlanta en 1996 puis DTN (2005-2012) auprès de la Fédération française d’aviron et depuis mars 2013 à la tête de la direction technique national du tennis de table. Il a également été élevé au grade de chevalier le 14 novembre 2008. Cette nomination récompensait 29 ans d’activités sportives et de services civils. 4 ans plus tard, il était promu inspecteur principal de la jeunesse et des sports.

1er juillet 2017 : La démission
Si la fédération n’a pas (encore) communiqué sur son site officiel, elle a en revanche envoyé un communiqué de presse limpide aux membres du conseil fédéral. Nous en parlions d’ailleurs ce matin très tôt dans nos colonnes. Le communiqué a notamment acté la démission de Pascal BERREST tout en informant que le président de la fédération avait été mis au courant de la condamnation le 1er juillet 2017 soit 23 jours après la décision de justice.
2 juillet 2017 : Coup de tonnerre à la fédération
Le président de l’instance fédérale, Christian PALIERNE, s’est aujourd’hui confié dans les colonnes du quotidien L’Équipe :
Vu la nature des faits reprochés, il lui était désormais difficile de continuer à exercer sa mission au sein de la Fédération. Je suis stupéfait et attristé par ce drame humain, pour les femmes violées dans leur intimité, et pour sa famille. Il était pour moi un DTN solide, avec des valeurs. »
Nous avions contacté avant-hier plusieurs responsables de la fédération. Bien que nous n’ayons eu aucune réponse, trois d’entre eux (dont le président) ont reçus et lu notre demande par email. Nous sommes sans réponse à ce jour..

Et maintenant ?
Le Tennis de Table Français est plongé au coeur d’une crise sans précédent. Si un nouveau DTN devrait être nommé prochainement, de nombreuses interrogations restent encore en suspens. Comment Pascal BERREST a réussi a cacher pendant aussi longtemps son comportement ténébreux ? Comment Pascal BERREST a-t-il pu passer autant de temps à la piscine de Montbauron sans que ses collaborateurs s’aperçoivent de son absence ? Comment le tennis de table français va traverser cette crise d’envergure ? Est-ce le président de la fédération a pu être mis au courant des faits bien avant l’explosion du “BerrestGATE” ? Est-ce que l’on peut s’attendre à de nouvelles révélations dans les jours et semaines à venir ? Nous ne sommes qu’au début de la publication de notre enquête…
Documents annexes :
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